jeudi 21 avril 2011

Fornications délétères

Photo. Jean-Luc Lagarce.
Je vous laisse aux uns et aux autres vos fornications délétères. Mes joies à moi n’étaient pas aussi intenses. Mais elles étaient plus durables. Plus parfaites. Plus destructrices. Prises sur les vôtres soir après soir dans la solitude de mon bureau. Votre décadence m’emplissait de satisfaction. Sur mon carnet l’encre emportait tout. Un déluge qui dépassait l’entendement, certes, mais aussi l’imagination. Je ne contrôlais moi-même pas ce maelström jubilatoire qui se nourrissait de vos maux. Vos craintes. Vos frustrations. Cette haine dépassait son propre maître. Une haine vive, vivante, vivifiante. Une haine destructrice, chaotique, apocalyptique. Une haine qui donnait vie, enfin, à l'improbable, l’irrécusable. Mes mots étaient comme le clairon d’Israphil. Révélateur, dévoilant l’invisible-évident…
C’était chaque soir l’heure des comptes. Mes petits comptes à moi. Mon plume devenait tantôt marteau du juge tantôt fusil du bourreau. Et chacun défilait devant moi. Devant mon sourire, mon petit plaisir…
Elle est là, ma fornication à moi. Pourquoi s’encombrer de carcasse, fontaine de niaiserie, quand on peut connaitre l’excitation parfaite, ultime, suprême… ?
Après chaque jet, j’offrais à ma victime une danse lente dans l’obscurité de mon vêtement. Mes muscles sculptaient hardiment et avec peine un semblant d’harmonie dans un capharnaüm hors du temps. Je n’ai jamais pu accumuler les exécutions, tribunal populaire où je faisais le peuple, le juge, le bourreau. La danse m’épuisait et me jetait à terre. C’était à ce moment là qu’une dysphorie amère et aigüe me gagnait.
Mai 2011
Chamseddine B.

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