dimanche 18 septembre 2011

Je suis le monde

C’est au fur d’une traversée silencieuse que j’ai apprécié mon voyage.
Grégory Colbert
Un désir germait en moi, depuis longtemps déjà. Chaque jour ne faisait qu’accroitre ses branches qui se déployaient comme des bras vers l’infini, en vue de cueillir un fruit insoupçonnable. Et mon voyage était en phase de réaliser ce à quoi j'aspirais: devenir le monde et ne plus en être - quel doux solipsisme! Ne plus jamais employer le « je » ni toutes ses déclinaisons. Étouffer le verbe être et n’exister qu’à travers le tout. Devenir le vent qui traverse les plaines et embrasse les hommes sans trop s’y attarder ni en être happé; la pluie qui balaye la terre comme les larmes pour percevoir les nuances du Tableau et respirer l’air pur; la lune qui éclair les veilleurs à qui on confie ses tiroirs... Ne plus être pour devenir tout. C’est ainsi que l’on devient voyageur céleste; un bateau sans ancre; une lumière dont chaque rayon est l'infinie explosion de toute la matière que contient cet univers. Une conscience qui désintègre chaque iota d'ombre. Sentir chaque vibration à l'autre bout du monde ; sentir chaque battement d'ailes des papillons, chaque bruit des pattes sur de la terre aride. Une conscience, une force transformant l’éphémère en éternel.


Août 2011
Chamseddine B.

mardi 13 septembre 2011

Départ intempestif

Perfect stranger - Hedi Slimen
Fallait-il s’arrêter encore et se tenir immobile, observer ces visages en fonte sous les exhalaisons d’une inconsciente trahison, en esquisser les traits pour toujours dans une mémoire incertaine ? Ils seront le moteur de mon navire.
Jamais un voyageur ne prend le large pour quitter un point; des hommes; une femme. C’est un incessant et terrible appel, un cri de par les montagnes et les mers - et le ciel - auquel il ne fait que répondre. Qu’en est-il alors de cet ultime départ : tourner le visage sans déchirure aucune, sans adieu, et partir pour l’infini, comme toujours ? Une quête; un besoin; une énième réponse au ciel; une cause inconnue, comme les fois précédentes…? Non. Non pas ici; pas cette fois. Une fuite. J’ai aujourd’hui besoin de ces visages pour me rappeler, comprendre lorsque mes yeux seront plongés dans l’horizon incolore, et que le vent poussiéreux du temps viendra couvrir ma mémoire de couches crasses et colorées  – souvenirs d’une vie sans attaches -,  comprendre les raisons de mon départ intempestif. Une grimace apparaitra alors pour la première fois sur ma face glabre de toute expression. Ces visages suintant la trahison seront donc mon passeport.


William Blake (Depp) - Dead Man
J’ai toujours vogué libre, sans mémoire, sans remords, sans haine ni amour. Animé par le seul désir d’ailleurs, d’autres, de vide, du rien et du tout ; l’absolu, en sommes. Mais voilà mes voiles blancs tachetés d’une moisissure humaine que seule l’inimitié pourra purger. Mes voiles seront noirs dans la nuit et elle finira par m’emporter dans ses secrètes profondeurs. Tari, je finirais alors humain, une créature échouée, domiciliée dans son propre tombeau.  Quel destin pour un voyageur étranger…

Fallait-il s’arrêter encore et se tenir immobile et observer ces visages tisonnés de lâches exhalaisons, en esquisser les traits pour toujours dans une mémoire incertaine ?
J'y renonce. Je leur sourirai chez eux, et partirai, albe, pour l’infini.

à Toi
Chamseddine B.