Ce que je suis...

Ce que je suis ?
N'est-ce-pas là une question inutile
Cette habitude de toujours vouloir connaître l'intimité
curiosité malsaine
curiosité malsaine oui

Mourir pour mourir
Je lègue l'unique chose que je possédais encore
La quête de vérité
Ce sera écouté
Dans ce que je dirai on recherchera la moindre chose à déguster
comme un vautour affamé scrute une charogne
Puis tout le monde s'éparpillera après que la meute de hyènes ait sucée jusqu'à la moindre contenance des os
Exquise moelle épinière
On oubliera qu'ici gisait un cadavre
On oubliera qu'il vivait encore
peu de temps auparavant
On ne se souviendra même pas qu'il avait servit de repas

Condamné à mort le jour où les cieux entendirent cette pauvre femme crier au bon Dieu sa souffrance
Les jambes écartelées elle donnait la vie à un mort en sursis
J'ai joué le jeu de la vie
C'est une pièce de théâtre où les comédiens quittent la scène en pleine représentation
Certains racontent qu'ils auraient vu des scintillements au loin dans la salle et sont disparu en essayant de rejoindre ces petites paillettes éphémères
Saisir le reflet des étoiles dans le rideau de pluie

Je suis resté

Et le silence du public se riait de moi
Je leur ait souris
J'ai souris
Et j'ai continué à jouer
Ma mère me disait cela de toujours jouer quoiqu'il arrive
J'ai joué seul
la salle se vidant peu à peu
J'avais des réponses maintenant que tout le monde était parti
Mes répliques n'étaient plus suivies de gloussements
Ce n'est que lorsque la salle était vide que les autres personnages se manifestaient
Je jouais avec mes échos
Je jouais avec le silence
Et les gouttes de pluie sont venues nous applaudir en venant s'écraser contre le verre de la haute fenêtre ronde qui laissait transparaitre la lueur grise de la lune, silencieuse
Sage et silencieuse
Et pensive

Ce que je suis
De toute ma vie j'ai essayé d'élucider ce grand mystère de la langue
C'est bien le seul pléonasme oxymorique que je connaisse
« Je suis »
Quelle prétention affirmée
Il ne suffit pas d'avoir été éjaculé pour avoir le privilège d'employer ce verbe,
le mérité, d' être
C'est plus encore qu' exister
Plus que passion
plus
Sur une balance où tous les mots seraient réunis,
être, seul, fera de la balance une catapulte

C'est une silhouette sombre et frêle
Brouillée comme une mauvaise image satellitaire
Sans nom ni visage

Esquisse de mon abyssale visage perçu dans les entrailles de la pénombre
Et mon regard océan immobile et noir, froid et profond comme la solitude qui enlace les tombes dans un cimetière surpeuplé
Scellé par le sceau du reflet
Miroir intérieur sans fin ni logique
Miroir intérieur recouvert d'une abondante buée
C'est à travers elle que je me vois

Raison froissée suffoque
Équilibre mental abasourdit
Engouffré nuages opaques
Cyclones et tourments
Rongé par l'existence
C'est...

Ceux que je suis

Une carcasse inexpressive abritant tourments de l'univers
sentiments les plus amers
et parfum de l'enfer
Âme errante dans une armature mourante
Un rescapé de ce qu'est et pourrait-être l'humain
« Un humaniste misanthrope » aimeront dire certains
Larme échouée sur la terre rouge et aride
Arme illusoire qui pulvérise le songe
Ou, plutôt...

Dieu n'a pas créé l'homme à son image
L'image s'empare du cœur et crée le vide
Je suis emplis d'un vide trop lourd



C'est ce que nous sommes.