Je confesse avoir songé tant de
fois – aujourd’hui encore, pas beaucoup mais assez pour me laisser apathique -
à me lever, sans justification aucune, sans daigner croiser mon regard à personne,
et partir : « prendre la route », c’est ce qu’on dit. Ce ne serait
pas de la lâcheté puisque jamais je n’aurais plus à subir les bavardages
bruyants de ces humains trop humains plantés partout, le marteau acéré du juge
à la main, prêts à le faire tomber comme le couperet de la guillotine. Ça ne
serait être de la lâcheté puisque je suinte le mépris. Mépris pour ce qui vit,
pour ce monde. Le quitter, étranger, dépourvu de tout tison, vide de toute
étincelle qui aurait pour projet de le refaçonner.
Je confesse avoir perpétuellement
l’envie de vomir ; et vomir. Et vomir encore. Toujours plus aigre, plus
épais, plus visqueux, peut-être aussi haineux – pas trop – juste de quoi avoir
cette fichue abnégation qui me vouera à cette solitude inéluctable et
irrésistible pour laquelle – après tout, je confesse – j’œuvre secrètement.
Certains pensent savoir. Si fiers
de leur sagacité ; heureux de dénicher le moindre morceau de peau que je
laisserai transparaitre dans chacun de mes mots ; de leur perfidie
m’imaginant nu et si faible. Pions dans un échiquier sans but ils ne voient pas
les cases. Montgolfières si fiers de leur bouffissure qu’ils oublient que c’est
encore moi – souvent, mais pas toujours – qui habille mes pages et que, encore,
je mène la danse – plutôt, je mesure la chute – comme un Machiavel sans prince ni peuple, sans même l’ambition.
Je confesse ne pas beaucoup
aimer. Ce n’est pas faute d’avoir essayé ; j’en suis incapable et j’avoue
mon impuissance. Mais cela me conforte et me permet de garder l’élongation quand
bien même je semble si proche du tourbillon de poussières anonymes qui gravitent, passent
et filent autour d’un soleil éteint, froid. Parfois, il m’est arrivé de le confier, avec dédain, certes, mais quelle belle victime je faisais! J’étais beau et
triste à voir – quel amusement ! – avec mon dramatisme faussement larmoyant :
« je suis comme ça ».
J’aime le théâtre.
Je confesse n’avoir d’intérêt
pour rien; pour pas grand-chose du moins. Tous mes choix sont le résultat de la
même équation : le faux-semblant. Un cirque muet, en noir et blanc où, à l’image du miroir, on ne
sourit pas.
Je confesse aimer le chaos et
la destruction; me réjouir de l’anarchie des hommes, leur confusion dans la
banalité du quotidien, s’efforçant d’accomplir servilement les tâches qui les mènent à leur déchéance autoprogrammée,
trahis par le regard hagard cloué sur un visage fantoche. S’indignant, à leur retour auprès de leur progéniture, du chancre du monde diffusé dans leurs petits écrans; amnésiques de leur ouvrage.
Je confesse me réfugier dans l'ombre et y mimer la folie dans un ultime espoir absurde et naïf de voler. De me défaire, au mieux, de ce corps, cet ancre qui m'enchaîne, ce cercueil que je traine, et errer à la lueur des scintillements lointains dans l'espace lugubre et sans fin où, malgré tout – je le confesse – je suffoque.
Mai 2012
Chamseddine B.